Suivi du cycle menstruel

Plusieurs enquêtes ont tiré la sonnette d'alarme ces dernières années afin d'alerter sur le partage à outrance de ces données à des fins de ciblage publicitaire et de profilage.
En effet, ces données valent de l'or, car elles renseignent sur l'état physique et psychique d'une personne en temps réel, permettant au ciblage publicitaire ou à un algorithmeUn algorithme, c’est comme une recette de cuisine. C’est une suite d’étapes qu’un logiciel doit suivre pour obtenir un résultat. de recommandation de profiter de notre vulnérabilité pour augmenter son efficacité.

En 2018, l'ONG Privacy International a montré que 61 % des 36 applications testées envoyaient automatiquement ces données à Facebook. En 2020, plusieurs associations de consommateurs états-uniennes et norvégiennes ont constaté que ces données étaient envoyées à des géants du numérique comme Google ou Facebook, mais aussi à d'autres régies publicitaires et courtiers de données (ou data brokers). En 2021 la Federal Trade Commission condamnait l’application américaine Flo, utilisée par plus de 100 millions de personnes dans le monde, pour avoir partagé des données à Facebook sans leur consentement.

On n'y pense pas forcément, mais en plus du ciblage publicitaire, il y a le problème de la surveillance. Par exemple, aux États-Unis, des données ont été vendues à des entreprises afin d'estimer quand une personne prévoit de revenir au travail après une grossesse. Et dans un contexte de fragilité du droit à l'IVG (qui vient d'être remis en cause par la Cour Suprême), il est très facile d'acheter auprès de data brokers des informations permettant d'identifier une personne qui prévoit de se faire avorter, afin de lui envoyer des messages pour la dissuader. En 2019, le Guardian révélait carrément que l'application de suivi du cycle menstruel FEMM était directement financée par des campagnes anti-avortement qui diffusaient des messages anti-contraception. En août 2022, Facebook a été accusé d'avoir transmis des informations personnelles concernant une jeune femme ayant eu recours à un avortement illégal aux États-Unis, permettant ainsi sa condamnation. Et les USA ne sont pas le seul pays où le droit à l'avortement est remis en cause ou interdit. De nombreuses personnes peuvent donc être mises en danger par l’intermédiaire de ces applications.

En Europe, grâce au RGPD, les entreprises sont obligées de nous informer sur l'utilisation qu'elles font de nos données personnelles et sont plus encadrées lorsqu'il s'agit de prendre une décision sur la base d'un profilage. Mais il faut avoir en tête que nous acceptons le plus souvent les conditions générales d'utilisation et la politique de confidentialité des services que nous utilisons sans même les lire, et que ces obligations ne sont pas toujours respectées.

Ces deux applications sont gratuites, sont financées par des organismes à but non lucratif et ne récoltent aucune de nos données personnelles. Elles sont disponibles sur tous les téléphones (Android comme iPhones). Les informations ne sont pas stockées sur des serveurs distants, elles restent sur notre appareil et peuvent être effacées à tout moment. Seul bémol : elles ne sont pas encore traduites en français !